QUID DES REVENDICATIONS CONCERNANT
LES DROITS DES TRANS' ?
RASSEMBLEMENT POUR LA JOURNEE DE LA MEMOIRE TRANSGENRE
SAMEDI 19 NOVEMBRE A 15H PLACE KLEBER
A L’APPEL DE SUPPORT TRANSGENRE STRASBOURG
mise à jour le 20/11/2011
Le dimanche 20 Novembre sera la Journée Internationale de la mémoire transgenre. Comme tous les ans des actions sont organisées dans de nombreuses villes dans le monde entier. Chaque année, partout dans le monde, y compris en France, des personnes transgenres sont assassinées. Il n'existe actuellement aucun pays au monde où les personnes transgenres jouissent pleinement de l'égalité des droits et où elles ne soient exposées aux discriminations, aux violences et à de graves atteintes à leurs droits humains légitimées par l'Etat. La France, qui se targue d'être la championne des droits humains, est loin d'être le pays le plus respectueux des droits humains concernant les trans' ! L'an dernier j'écrivais un article sur la situation des personnes trans' en France. Les choses n'ont guère évolué depuis et dans un contexte de campagne électorale les revendications des personnes transgenres sont de plus en plus invisibilisées par la plupart des associations LGBT qui focalisent sur le marriage et la parentalité homo. Une des rares revendication trans' qui soit parfois relayée par les associations LGBT et qui soit discutée avec les partis politiques est le changement d'état civil sans obligation de stérilisation, d'opération chirurgicale ou de traitement hormonal. C'est mieux que rien mais c'est peu au regard des nombreuses atteintes aux droits humains que subissent les personnes trans'. Ce ne sont pourtant pas les documents qui manquent dressant un état des lieux des atteintes aux droits humains à l'encontre des trans' et la liste des mesures à prendre pour mettre fin à cette situation de non-droit :
En mai 2009, en France, les associations Trans' se mobilisent contre le rapport de la haute autorité de la santé (HAS). La HAS est un organisme gouvernemental chargé de produire des recommandations sur lesquelles s'appuient les politiques gouvernementales en matière de santé et de prise en charge des soins. Ce rapport est le résultat d'une enquête menée depuis 2004. Bien que les associations trans' aient été (rapidement) consultées en 2004, le rapport ne tient pas compte de leur point de vue. Les seules personnes trans' dont le point de vue est pris en compte dans le rapport, sont des trans', toutes MtF, qui font leur parcours au sein des équipes dites "officielles". Ce rapport est soumis en mai 2009 à une consultation publique. Les associations Trans' dénoncent les recommandations de ce rapport : non content de légitmer les pratiques médicales actuelles contestées par les associations, il préconise des mesures extrèmement dangereuses pour les personnes trans' et attentatoires à leur droits humains. Le communiqué de l'association Chrysalide détaille en quoi ces recommandations de la HAS sont dangereuses pour les personnes trans'. Certaines associations appellent à répondre à l'appel à consultation pour faire entendre les critiques, d'autres comme Support Transgenre Strasbourg (STS), appellent à boycotter cet appel à consultation afin de ne pas légitimer ce rapport. La suite donnera raison à STS : le point de vue de trans' membres d'association a bien été intégré dans la version définitive de février 2010 du rapport de la HAS, mais après avoir été préalablement dénigré (les trans' membres d'association auraient un comportement consumériste), et sans changer substanciellement les recommandations. Entre autre, ce rapport préconise un diagnostic psychiatrique préalable de "trouble de l'identité sexuelle" pour accéder aux soins de transition (hormonothérapies et chirurgies) au sein des équipes dites "officielles", pour établir le diagnostic, il s'appuie sur le DSM4 et le CM10 qui définissent une maladie psychiatrique appellée "trouble de l'identité sexuelle", et il recommande de mettre en place une politique qui empêche d'accéder aux soins de transition en dehors des équipes dites officielles. En clair ce qui est préconisé par ce rapport -et qui inspire aujourd'hui les décisions de la caisse d'assurance maladie et les législations nationales en matière de santé- c'est qu'il ne soit possible de faire un parcours de soins de transition (hormonothérapie et chirurgies) qu'au sein des équipes dites "officielles" et que pour accéder à ces soins, les personnes trans' se verront obligées de persuader les psychiatres experts qu'elles ont une maladie psychiatrique. Par exemple, comme facteurs déterminants du diagnostic de "trouble de l'identité sexuelle", entre autre, "l'existence d'un désarroi cliniquement significatif ou d'une altération du fonctionnement social ou professionnel ou dans d'autres domaines" , le dégout de ses parties génitales, penser que son sexe n'est pas le bon : les trans' ayant une vie sociale ou professionnelle satisfaisante, n'ayant pas de dégout de leur parties génitales ou n'ayant pas la conviction que sexe = genre , ne seraient donc pas diagnostiqué-e-s comme ayant un "trouble de l'identité sexuelle" et n'auraient donc pas accès à l'hormonothérapie et aux chirurgies prises en charge pas l'assurance maladie, Un choix pervers, soit se faire reconnaître comme malade psychiatrique (l'exclusion sociale, le rejet de son corps ou le fait de penser être dans le mauvais sexe n'étant pas le signe d'une maladie psychiatrique, mais une souffrance résultant de la discrimination), soit être privé-e du remboursement par l'assurance maladie... On obligerait ainsi les personnes trans' à se déclarer elles-même malades...
Le 29 Septembre 2009, Existrans (marche des Trans')formule une liste des revendications pour les doits des personnes trans', réagissant notament au rapport de la HAS. et exigeant la dépsychiatrisation des Trans' (alors que certaines associations comme STS revendiquent la dépathologisation des Trans', c'est à dire le fait que la transidentité n'est pas une pathologie, ni psychiatrique, ni autre). Concernant le changement d'état civil, l'Existrans revendique le changement d'état civil facilité et sans obligation de stérilisation. En 2011 l'Existrans revendique en plus de ses revendications habituelles le changement d'état civil sans condition et l'accès au droit au séjour et au droit d'asile pour les personnes trans'.
En octobre 2009 paraît le rapport du Commissaire au Droits Humains du Conseil de l'Europe, Thomas Hammarberg, "Droits de l'homme et identité de genre". Ce rapport dresse un état des lieux des atteintes aux droits humains des personnes transgenres et inclue 12 recommandations (p42/52) du Commissaire aux Droits Humains aux 47 Etats Membres du Conseil de l'Europe. Ces recommandations dressent une liste de mesures à prendre pour garantir l'égalité des droits humains pour les personnes transgenres, entre autres le changement d'état civil sans obligations de stérilisation, de traitement chirurgical ou hormonal, de divorce, la reconnaissance de la transphobie comme discrimination interdite par la loi, ainsi que des pistes pour des politiques de prévention. La France n'a tenu aucun compte d'aucune de ces recommandations et l'assemblée nationale vient de refuser il y a quelques jours (17 novembre, 3 jours avant la Journée Internationale de la Mémoire Transgenre) de reconnaître légalement la transphobie comme discrimination interdite par la loi (voir article sur blog de Martine Billard, députée, du 18/11/2011). Le texte des recommandations permet cependant au moins d'établir clairement que concernant les personnes transgenres, la France viole les droits humains sur de nombreux points. La Marche des Visibilités de Lorraine incluera ces recommandations dans sa plateforme de revendications 2010
En Octobre 2009, la conférence des droits des trans' à Malte dressait un état des lieu de la situation des trans' en Europe et formulait dans la déclaration de Malte des droits des Trans' du 28 Octobre 2009 un certain nombre de revendications adressées aux institutions européennes, à l'organisation pour la sécurité et la coopération en europe (OSCE), aux partenaires sociaux (syndicats et organisations patronales), aux organismes nationaux pour l'égalité et à l'organisation mondiale de la santé (OMS) portant sur l'égalité des droits fondamentaux, la lutte contre la discrimination au travail et la santé. La déclaration de la conférence de Malte est une synthèse des revendications adressées par les associations Trans' aux autorités nationales de leur pays et s'appuie sur le texte "Droits de l'Homme et Identité de Genre" publié par par le Commissaire aux droits humains au Conseil de l’Europe, Thomas Hammarberg, en Juillet 2009.
En février 2010, Roselynne Bachelot sort la transidentité du classement en maladie psychiatrique dans le dispositif de remboursement de la sécurité sociale. En clair, les soins de transition (hormonothérapie et chirurgies) ne seront plus remboursés au titre d'une maladie psychiatrique, mais au titre d'une affection longue durée hors liste. Les médias annoncent à tort la dépsychiatrisation en France de la transidentité. En réalité la portée de cette mesure est symbolique. Les réactions des associations à la mesure de Roselyne Bachelot de Fevrier 2010 appellent à la raison, soulignent qu'on revient tout simplement à la situation de 2004 et que cette mesure porte uniquement sur la classification dans le cadre du remboursement des soins. En effet, il est dit dans le texte que les conditions de prise en charge des soins doivent être conformes aux recommandations de la HAS. Or dans son dernier rapport, la HAS recommande la condition préalable d'un diagnostique psychiatrique de "trouble de l'identité sexuelle" (définie par le DSM4 et le CM10 comme une maladie psychiatrique) pour un accès aux soins pris en charge par l'assurance maladie.
Le 29 avril 2010, l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe adopte la résolution 1728 (2010). Dans cette résolution, le Conseil de l'Europe alerte les 47 Etats Membres sur les discriminantions basées sur l'oriantation sexuelle et l'identité de genre et les exhorte à adpoter une politique d'éradication de la transphobie et de l'homophobie. Le conseil de l'Europe recommande une série de mesures visant à garantir l'égalité des droits fondamentaux pour les personnes LGBT et insiste particulièrement sur les droits humains des personnes transgenres. Le texte recommande entre autre le changement d'état civil sans condition préalable de stérilisation, de chirurgie ou d'hormonothérapie. Il recommande également la reconnaissance du doit d'asile pour les personnes LGBT persécutées dans leur pays et le droit au séjour. La France n'a à ce jour pas mis en application la résolution 1728(2010). Ce texte ne pouvant être ignoré du gouvernement français, il permet d'établir clairement que c'est en connaissance de cause que la France viole les droits humains des personnes transgenres. La marche des visibilités de Lorraine incluera cette résolution dans sa plateforme de revendications 2011 et demandera à ses élus locaux de se positionner sur cette plateforme. Delphine Ravisé Girard, secrétaire nationale de l'Association Nationale Transgenre, dans son correctif posté en commentaire au bas de cet article, précise que 3 élus locaux se sont engagés à soutenir ces revendications : André Rossinot (maire de Nancy, Parti Radical), Michel Dinet (présidente du Conseil Régional, PS) et Laurent Hénart (UMP).
Le 31 Aout 2010, un article du Commissaire aux Droits Humains du Conseil de l'Europe dénonce les pratiques des Etats membres à l'encontre des personnes transgenres : entre autre, les classifications médicales désignant les personnes transgenres comme atteintes de troubles mentaux et les condiions inacceptables et injustifiées pour le changement d'état civil telles que le divorce forcé et la stérilisation forcée, Il signale des décisions juridiques en Allemagne et en Autriche déclarant de telles pratiques comme incompatibles avec les principes des droits humains et obligeant ces Etats à changer leur législation. Il signale également de possibles changement de législation en Irlande, au Portugal, en Hongrie et au Pays Bas. Il exhorte l'ensemble des Etats membres à changer rapidement leur législation. La France n'a à ce jour tenu aucun compte des exhortation du Commissaire aux Droits de l'Homme du conseil de l'Europe.
Le 16 Février 2011 la Fédération des Association et Centres LGBT en France adopte comme revendication l'application de la résolution 1728 (2010) du Conseil de l'Europe, exigeant entre autre le changement d'Etat civil pour les personnes transgenres, sans obligation de stérilisation, de chirurgie ou d'hormonothérapie. L'association Trans'Aide appelle l'ensemble des associations LGBT françaises à revendiquer l'application de la résolution 1728 (2010). Cependant les Prides de l'été 2011, qui dans la grande majorité se sont inscrites dans le cadre de la campagne électorale, n'ont pour la plupart pas revendiqué l'application de cette résolution, ni le changement d'état civil pour les trans' sans condition de stérilisation forcée, de chirurgie ou de traitement (ni sans conditions tout court d'ailleurs), ni aucune mesure concernant les droits des trans' et se sont focalisées sur le marriage et la parentalité homosexuelle (sans même mentionner les droits familiaux des personnes trans', obligées de divorcer pour obtenir le changement d'état civil ou ne pouvant accéder au changement d'état civil si elles ont des enfants...) ...
En Octobre 2011 La Commission des Droit Humains du Conseil de l'Europe publie un rapport sur les discriminations basées sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre. Ce rappport aboutit aux recommandations du Commissaire des Droits Humains du Conseil de l'Europe en matière de lutte contre les dicriminations homophobes et transphobes en insistant particulièrement sur les droits humains des personnes transgenres. Ces recommandations vont plus loin et sont plus détaillées que la résolution 1728(2010) concernant les droits des personnes transgenres et les politiques de prévention. Elles reprennent entre autre certaines revendications de la déclaration de Malte du droit des Trans' du 28 Octobre 2009 ainsi que les recommandations du Commissaire aux Droits Humains du Conseil de l'Europe incluses dans le rapport "Droits de l'homme et identité de genre" d'octobre 2009 (mais va plus loin que les recommandations de 2009). Elles portent entre autre sur le changement d'état civil, appelant à mettre fin à l'obligation préalable de divorce, de diagnostic psychiatrique, de stérilisation, de chirurgie, de traitement et d'expertises invasives ou attentatoire à l'intégrité de la personne.
Il semblerait que le Parlement Européen et le Commissaire aux Droits Humains du Conseil de l'Europe soient plus impliqués dans la défense des droits des Trans que la plupart des associations LGBT françaises (à l'exception des associations spécifiquement Trans' bien sur...).
Jeudi 17 novembre 2011, le communiqué de l'Association Nationale Transgenre signale que la discrimination transphobe est toujours légale en France. la proposition de Loi déposée par Catherine Quéré, députée PS, au parlement, sur l'harmonisation des délais de prescription pour les discriminations en raison du sexe, du handicap ou de l'orientation sexuelle, pour louable qu'elle soit, ignore totalement le fait que les discriminations transphobes sont encore légales en France... Le PS semble ignorer les résolutions et recommandations européennes et on a là le résultat de la politique actuelle des associations LGBT qui se focalisent sur les droits des gays et lesbiennes (françaises) et oublient tout le reste dans leurs interpellations des partis politiques ! Le communiqué précise cependant que Martine Billard, députée du Parti de Gauche, a déposé un amendement proposant d'ajouter l'identité de genre comme motif de discrimination, amendement qui sera finalement soutenu par le PS. Cet amendement sera refusée le 17 octobre 2011 lors de l'examen à l'assemblée de la proposition de loi (voir article sur le blog de Martine Billard). A 3 jours de la Journée Internationale de la Mémoire Transgenre, qui rappelle les personnes transgenres mortes chaque année à cause de la transphobie (y compris en France), l'assemblée nationale (en fait la majorité UMP), refuse de reconnaître la transphobie comme motif de discrimination : la discrimination transphobe est donc toujours légale en France !
Voici donc quelques outils qui pourraient aider nombre d'associations dites "LGBT" ainsi que les partis politiques en campagne de se pencher sur les Droits des Trans'. Le mieux serait encore de consulter les associations Trans' elles-même ! Pour en trouver certaines, une page avec des liens sur des sites d'associations Trans' ici.
L'affiche du TDOR rappelle à sa manière que la transphobie, dans la société, dans les lois, dans les mentalités, où qu'elle soit, la transphobie tue ! En plus des meurtres, il y a chez les trans' un taux excessivement élevé de suicides...